Plus de six millions de seniors devront être remplacés d'ici 2015.

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Plus de six millions de seniors devront être remplacés d'ici 2015 dans les entreprises. Mais pour se développer‚ celles-ci devront s'assurer de la bonne transmission de leur savoir-faire‚ PME comprises. Elles devront aussi‚ pour affronter la pénurie de talents‚ assurer une meilleure place aux aînés au travail. Quelques sociétés (SEB‚ Siemens) ont déjà rétabli des cessations d'activité à 60 ans et au delà. Mais‚ globalement‚ la France reste mal préparée au développement des secondes carrières. Les solutions ne manquent pas pour y parvenir. Le blocage vient plutôt de l'inertie des institutions‚ des partenaires sociaux et des salariés. C'est ce que révèle une étude récente de Développement et Emploi. La tâche des gestionnaires de ressources humaines (GRH et DRH) va connaître d'exaltantes évolutions qualitatives.

Inattendu? Pas vraiment. Oublié‚ plutôt‚ négligé. Pourtant‚ la démographie du papy-boom l'annonçait : la qualité de la seconde partie de carrière et la transition vers la retraite seront l'enjeu social (et sociétal) majeur de la décennie 2006-2015. Une de Libération le 8 décembre 2005: "France cherche assistants maternels‚ aides à domicile‚ agents d'entretien‚ enseignants‚ cadres administratifs". Le titre tient toute la hauteur de la page. Il est à la mesure du bouleversement pronostiqué par les plus récentes études du Plan ou de la DARES‚ la direction de la recherche du ministère des Affaires sociales : 7‚5 millions d'emplois seront à pourvoir d'ici 2015. 1‚5 millions de créations sont prévues.

Un manque de volonté institutionnelle

6 millions d'offres d'emploi résulteront de la nécessité de remplacer les baby-boomers partant à la retraite. L'enseignement‚ la fonction publique de base‚ le bâtiment‚ la santé… vont massivement remplacer leur personnel. Et leurs "sortants" créeront 6 millions de "nouveaux postes" de retraités. La proportion des 60+ va passer de 20% à 30% de la population d'ici 2030. Pour éviter la panne‚ l'entreprise va devoir garder ses seniors plus longtemps‚ le plus souvent sans s'y être préparée.C'est ce que révèle le dossier "La seconde partie de carrière" (Développements‚ n°42‚ décembre 2005). Il constitue une véritable feuille de route pour l'organisation de l'emploi des salariés. Cette étude‚ dirigée par Jean-Marie Bergère (directeur de Développement et Emploi)‚ rassemble des contributions qui aideront à structurer l'évolution de l'activité des responsables de ressources humaines. Ceux-ci vont devoir gérer le vieillissement de leur pyramide des âges professionnelle‚ l'allongement des carrières et la raréfaction des compétences.Formation‚ mobilité‚ tutorat… les conseils et expériences qui y sont recensés peuvent cependant rester lettre morte car "l'enthousiasme et le consensus des experts et de leurs calculettes ne suffisent pas pour passer de 36‚5% à 50% des 55/64 ans au travail en France. Sur ce sujet‚ comme sur d'autres‚ on ne peut s'exonérer de la mise en débat‚ du dialogue notamment entre les partenaires sociaux. On ne peut pas plus s'exonérer de l'adhésion des salariés à ces changements qui les concernent."Les conditions présidant à l'action en faveur de l'amélioration de l'emploi des seniors ne relèvent donc pas de dispositifs techniques. Elles découlent d'une volonté qui jusque-là n'existe pas en France."Les pratiques d'entreprises seront modifiées si les règles institutionnelles changent"‚ écrit la sociologue (CNRS) Isabelle-Tarty-Briand.

Un défi : faire évoluer la culture des GRH

"La difficulté n'est pas dans le fait de trouver le bon exemple mais bien davantage dans la capacité de l'entreprise à vouloir mettre en place ce type de pratiques‚ ce qui nécessite‚ en France‚ une évolution des mentalités et plus difficile‚ une rupture avec la logique institutionnelle prônée pendant plus de trente ans des départs anticipés".Les chercheurs et praticiens réunis par Développement et Emploi (AFPA‚ Air France‚ ARACT‚ Calor‚ COR‚ DARES‚ EDF‚ France 3‚ INSEE‚ Seb‚ Thalès…) avaient prévu de procéder à des expérimentations. Echec."Faute de maturité de ces questions dans les entreprises‚ notre groupe a dû se concentrer sur l'analyse collective des cas présentés et sur l'élaboration de pistes de propositions testées sur de petites échelles"‚ écrivent Jean-Marie Bergère (Développement et Emploi) et Christian Pin (Seb).Les participants ont donc recensé les défis actuels que la France affronte. Le nombre des départs annuels en retraite va passer de 400 000 à plus de 700 000 pendant dix ans‚ au moins. Quels sont les défis ? En vrac : les risques de pertes de savoirs et savoir-faire que vont engendrer des départs massifs dans un laps de temps limité‚ même s'ils sont compensés par des recrutements massifs.Autre défi : faire évoluer la culture des GRH. L'abondance de bras les avait habitués à des politiques malthusiennes. Ils cantonnaient souvent le champ des recrutements en CDI aux 30-45 ans. Ils vont devoir gérer la diversité des âges‚ l'usure au travail d'une population en moyenne plus âgée qu'aujourd'hui. Il leur faudra se faire formateurs auprès des managers. Ceux-ci détiendront un rôle clé dans la performance d'équipes où "l'âge n'est plus le critère qui permet de définir la contribution que chacun va apporter".Il leur faudra encore faire en sorte que les 45+ ne soient plus oubliés lors de la mise en œuvre des outils faisant la qualité d'un parcours professionnel (formation‚ mobilité‚ aménagement des temps de travail‚ consulting interne…)

Une discrimination positive au profit des seniors ?

Jusqu'aux années 90‚ les postes de "chef du personnel" ont souvent été confiés à d'anciens officiers d'infanterie. Ils se montraient souvent adeptes d'une conception arithmétique et régimentaire de la gestion des effectifs. Fini. La complexité de la tâche n'autorisera plus de gestion malthusienne.La qualité de la gestion des ressources humaines reposera demain sur un triple paradoxe.

   1. Le GRH devra avoir une gestion plus globale de l'effectif tout en personnalisant les solutions retenues.
   2.  Il lui faudra oublier le clivage des âges au profit de la valorisation de la diversité des contributions.
   3.  Il veillera au maintien de l'employabilité senior en usant de dispositifs de discrimination positive jusque là offerts à d'autres catégories‚ sans recréer de ghetto.

Paul Santelmann (AFPA) appelle à "déplacer l'effort de formation vers les quadragénaires et plus" car "les organismes sont peu sollicités et rares sont ceux qui ont développé une ingénierie tournée vers ce public (…) L'offre de formation en France est très tournée vers les jeunes et les formateurs ont développé des façons de faire qui passent plus mal avec des personnes expérimentées."Isabelle Tarty-Briand (CNRS) complète : "Il n'existe aucune structure d'accueil spécifique pour les plus âgés comme il peut en exister notamment pour les jeunes (missions locales)‚ pour les femmes‚ pour lesquelles‚ il existe des associations de soutien (…) La logique d'insertion est dominée par des perspectives catégorielles : les femmes‚ les handicapés‚ les jeunes‚ les personnes issues de l'immigration. Cette logique disparaît dans le traitement non catégoriel cette fois-ci des plus âgés‚ les mettant ainsi vraiment à part alors même qu'il leur est demandé de travailler plus longtemps."

Prévenir la démotivation

La loi Fillon réformant les retraites comporte une obligation d'allongement des carrières‚ mais le bilan des dispositifs favorisant cet allongement semble mince.Ce ne sont pas les exemples de bonnes pratiques qui manquent‚ c'est plutôt la volonté de les mettre en œuvre qui fait défaut. Ici et là‚ des initiatives apparaissent mais‚ malheureusement‚ elles font rarement tache d'huile.Une enquête interne au groupe CIC a montré que le stress et l'appréhension du changement n'était pas lié à l'âge. Seb (Christian Pin) a mis en place une "gestion des âges qui ne se concentre pas sur les fins de carrière mais concerne tous les salariés".Déjà‚ les GRH de Seb ont dû intégrer à leur gestion des effectifs la suppression des préretraites‚ la fin des départs anticipés et l'accroissement du nombre de sexagénaires. Les pots de départ à 60 ans passé y sont redevenus monnaie courante.L'observation de l'employabilité du salarié résulte des entretiens de mi-carrière mais aussi de dispositifs spécifiques à chaque catégorie. Des cadres seniors peuvent devenir pour une durée déterminée des "experts fonctionnels". Dans les unités de production (Calor) où le personnel‚ le plus souvent féminin est déjà âgé‚ des dispositifs de formation et "d'évaluation ergonomique des postes" ont été créés.Objectifs : prévenir la démotivation‚ ne pas subir la fatalité du vieillissement. 

Une gestion RH au cas par cas dans les PME

France 3 a mis en place des formations informatiques à double vitesse : en groupe et parallèlement en solitaire pour diminuer la pression que le groupe pourrait faire subir à un senior qui a la possibilité de s'auto-former entre les séances collectives.Les DRH et managers de l'entreprise‚ ceux de ses partenaires reçoivent des formations au management de la diversité des âges.

Siemens ausculte les trajectoires personnelles pour anticiper les effets du vieillissement sur les jeunes actuels. La société s'attache aussi à dissiper les freins culturels qui pourraient entraver la coopération intergénérationnelle. Des comités carrière se sont constitués et jouent un rôle de vigie‚ à intervalles réguliers‚ pour favoriser le maintien de l'employabilité des personnes. La somme d'expériences rapportées montre une réflexion plus forte et des dispositifs plus favorables dans les grandes entreprises.

Dans les PME‚ la gestion des ressources humaines est souvent moins formalisée. Elle est même menée au cas par cas‚ sans référence globale. Leur taille et le manque de culture GRH du dirigeant sont parfois un obstacle à la mise en place d'une vraie politique des âges. C'est pourtant dans ces petits établissements industriels ou artisanaux que le tutorat présente un intérêt primordial pour la formation des nouvelles recrues et la transmission des savoir faire de l'artisanat. Une déperdition importante existe en l'absence de dispositifs adaptés.

Thalès‚ en revanche‚ a su évaluer les savoirs stratégiques des seniors afin de les capitaliser et de les formaliser pour transmission. Il ne faut donc pas oublier d'organiser la fin de carrière. L'une des expériences les plus intéressantes dans ce domaine s'est déroulée dans le groupe SEB. Elle est rapportée par Christian Pin‚ ex-DRH Seb et délégué (Lyon) de la Fondation de la deuxième chance.  

Réconcilier partenaires sociaux et salariés avec le travail

La direction du développement durable du groupe favorise le "rebond de vie" du senior en lui proposant de se mettre à temps partiel au service d'associations qu'il pourra aider de ses compétences. Ainsi‚ il cite le cas d'un ingénieur logisticien‚ responsable des services centraux d'informations de son entreprise. La collaboration à un projet local de réinsertion de Rmistes l'a professionnellement revigoré. Cette collaboration a même favorisé sa transition vers une retraite socialement utile.

Culture du management et évolution des mentalités jouent donc un rôle majeur dans le succès des politiques à l'égard des seniors.Yannick Moreau‚ la présidente du Conseil d'orientation des retraites‚ plaide‚ elle aussi‚ pour ce tuilage progressif travail/repos qu'une préretraite progressive favoriserait. La préretraite progressive peut même "se révéler un sujet de réforme au moins aussi important que le cumul emploi-retraite".Reste toutefois la tâche la plus difficile : réconcilier partenaires sociaux et salariés avec le travail. Un sondage réalisé pour l'union des cadres de la CGT publié dans l'ouvrage montre que "73% des cadres ne souhaitent pas travailler après 60 ans".Il importe donc d'user de tous les outils possibles (formation‚ management d'objectif‚ mobilité…) pour faire passer l'individu d'un rôle de tâcheron désinvesti (animal laborans)‚ à celui de producteur d'une œuvre où il se réalise (homo faber).Rude tâche‚ même si "l'œuvre et le travail ne s'excluent pas de façon radicale. Chacun vit plutôt un mélange des deux. C'est le dosage qui varie"‚ conclut Jean-Marie Bergère.C'est sans doute sur cette question que peut se jouer le succès de cette mutation sociale. Développer la "dose" d'autonomie et de créativité est essentiel pour muer le travail-pensum senior en plaisir.Belle perspective pour des DRH subtils et entreprenants.

 

Source : Jean-Yves Ruaux  http://www.developpementetemploi.com  et Seniorscopie.com

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